2 ans auparavant, Ada

À peu près deux fois par mois, Ada disparaissait pour une nuit et revenait en piteux état. Excès d'alcool, de sexe, mais surtout de drogue, elle réapparaissait hagarde et défaite, en général de très mauvaise humeur. Souvent, elle avait des bleus et ses vêtements étaient sales, voire déchirés. Une fois, ils avaient été tout à fait immondes. Elle refusait de parler de ces bombes, peut-être avait-elle quand même un peu honte de leur dépravation évidente. Michael avait deviné, vu le peu de cash qu'elle avait en partant, qu'il lui fallait pratiquer le commerce de son corps sous une forme ou une autre pour acheter sa came. Une autre hypothèse à peine plus reluisante était qu'elle gravitait dans un milieu où on acceptait de l'entretenir. Cependant, si son physique pouvait expliquer qu'elle puisse cultiver ce type de relation, son habillement et son style ne semblaient pas coller, de l'avis de Michael.

Une chose était certaine : Ada utilisait Michael comme couverture vis-à-vis de ses parents, voire comme sésame, comme complice pour refaire surface à l'aube. Michael acceptait cela, sans oser se demander quelle était l'importance de cette capacité dans l'équation de leur couple.

Un dimanche, comme Ada ne lui avait pas donné de signes de vie à midi, Michael commençait à s'inquiéter quand il reçut un appel de la belle-mère d'Ada qui était une femme très pieuse, coincée mais gentille, au point que souvent Michael souffrait pour elle de voir les misères qu'Ada lui faisait endurer. Il lui expliqua qu'il n'avait pas de nouvelles d'Ada non plus, mais qu'il allait donner quelques coups de téléphone pour se renseigner. Ce faisant, il mentit par omission, il avait déjà donné les appels en question, sans succès : personne n'avait vu la chérie. Cependant, cet appel au secours accrut l'inquiétude de Michael jusqu'au bord de la panique. Il fouilla les affaires qu'Ada entreposait chez lui. Il finit par découvrir un petit badge. Il en soumit une photographie à l'une de ses IA pour une recherche qui abouti très vite : c'était l'icône d'un club nommé le SpaceTub, situé dans un quartier mal famé d'Almogar. L'information qu'il trouva ne lui plut pas. La dénomination « club privé » permettait de filtrer les entrées. Au mieux, c'était un bar topless avec des strip-teaseuses peu farouches, ou un club échangiste, peut-être une maison de passe déguisée. La nuit précédente avait été consacrée à une soirée Sixotez. En cherchant sur le réseau, Michael apprit que le Sixotez était un nouveau style dérivé du Gothique et du Country, une sorte de cowboyerie sadomaso. Il trouva quelques photos qui lui firent faire la grimace. Sur l'une d'elles en particulier, on voyait des filles en daim à frange et en bottes à éperons, se faire fesser cul nu par des débiles ventripotents la queue à l'air, une paire de colts à la ceinture et un Stetson visé sur le crâne. Schwartz, se dit-il, et cela résumait bien tout ce qu'il y avait à en penser.

Ada réapparu tard dans l'après-midi, hagarde et épuisée. Le lendemain, en lui faisant l'amour, Michael découvrit qu'elle avait de grandes traces rouges, bleues et jaunes sur les fesses. Il ne pouvait y avoir de doute sur le fait qu'elle avait été fessée à la cravache, sans modération.

La semaine suivante, un scénario similaire se reproduisit, mais quand Ada refit surface, elle avait l'air moins amochée que d'habitude. Michael en déduisit qu'elle avait dû dormir quelque part. À la grande surprise de Michael, Ada, qui d'habitude ne parlait pas de ses sorties et ne répondait jamais à aucune question, lui dit en sortant de la douche :

— Je me suis bien amusée. J'ai rencontré une fille d'enfer. Elle va te plaire.

Comme Michael se mettait à bouder assis face à sa console, elle vint lui glisser ses mains chaudes dans le cou. Il se laissa faire avec délectation, il sentait venir l'un de ces moments où elle allait lui offrir son corps, et il savait que dans tous les cas, il fallait qu'il ne fasse rien, juste attendre qu'elle décide.